La formidable épopée de l’inscription en médiathèque de Grande Ville

Si comme moi tu viens d’un endroit où cinq voitures derrière un tracteur constituent un embouteillage, tu vas comprendre mes réactions de surprise, émerveillement, <<corbeau qui passe devant l’écran en croassant>> !

Pourquoi cette inscription survient-elle MAINTENANT (à peine) ?

Tout simplement parce qu’avant, je n’étais pas habitante de ladite Grande Ville. Je venais de Petit Village.

 

Viens, je vais t’expliquer un peu mieux mes découvertes de paysanne moderne.

L’anonymat des lieux décrits sera préservé. J’ai beau avoir un esprit critique aussi tranchant qu’un couteau sur un saucisson, je ne souhaite créer d’ennuis à personne.
Peace, read and love books !


Pourquoi cette inscription ?

Pour faire plaisir à ma banquière et lutter contre cette passion consommatrice compulsive d’économies.
Pour pouvoir lire des livres grand format, des BD, des « beaux livres » sans avoir à louer un poumon non fumeur et les éplucher pendant quelques jours.
Pour pouvoir lire autant que je veux sans conserver tous les ouvrages. Il reste bien éventuellement le plafond pour les entreposer sinon ?

Combien ?

17 € l’année sans les tarifs chômeurs, étudiants, moins de 25 ans, plus de 65 ans, plus de 5 doigts à la main droite, etc.
Ca me change en moins bien de la bibliothèque de Petit Village où l’inscription était de 8 € l’année (quand on n’oubliait pas de renouveler ton abonnement) ou encore gratuit pour les habitants de la commune.

Comment fonctionnent les systèmes d’inscription et d’emprunt ?

Tu commences par te retrouver dans l’immense hall et tu décides d’aller au comptoir où six personnes sont en train de bailler aux corneilles invisibles en te regardant du coin de l’oeil comme l’élève qui ne veut pas être interrogé.
Tu choisis celle qui te regarde le moins, et accessoirement la plus proche. Tu demandes à t’inscrire.
Cette matrone dont le fils a dû manger le dernier pétale de Frosties pour mettre du tigre (aimable) en toi, t’indique c’est à l’autre bout, là où trois personnes saturées par une dizaine d’autochtones se débrouillent comme elles peuvent.
Ici c’était le service retour, pas d’inscription. No way.
D’accord. Là d’où je viens, une personne ou deux pour le service retour, c’est suffisant. Et elles ne restent pas s’élastiquer la mâchoire puisque les usagers posent les livres qu’elles vont ensuite remettre en circulation.

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Après avoir chuchoté à Sainte Patience de ne pas filer de suite chez son coiffeur, tu te diriges vers la file d’attente indiquée qui ressemble dans son hétérogénéité à celle de l’enregistrement des bagages pour un vol Emirates en direction d’une escale à Dubaï : la famille africaine à cinq enfants, le couple maghrébin, l’étudiante espagnole Erasmus, le groupe de personnes âgées…
Oups, arrêtons là l’étude ethnologique, c’est à toi !
Après avoir montré tes justificatifs d’identité et de domicile, on te confie ton graal-sésame pour évoluer librement dans cet espace de perdition : ta caaaaaarte !
Et celle-là, tu n’as pas intérêt de la perde !
Dans Petit Village ton nom et/ou ton numéro suffisent à te retrouver sur le serveur d’emprunt en cas de mémoire de poisson Dori.
Dans Grande Ville, il n’y a plus de stand d’emprunt géré par un humanoïde à sang chaud : tu passes entre les mains robotisées d’une machine qui scanne ton code-barre, reconnaît les livres posés sur un plateau et imprime une fois sur quatre (crise de papier comme à la station-service un soir de week-end dès 18h) les noms des livres et la date-retour. Tu saisis le souci si tu n’as pas ta carte ?
Voilà. Terminées les discussions avec la bibliothécaire qui t’explique combien le livre que tu es en train de prendre a l’air/est génial  ou au contraire, tout pourrave.
Ah mais suis-je bête, les avis des bibliothécaires se retrouvent sur instagram maintenant !
Donc pour résumer, plus d’humanisme pour les emprunts (la réduction à l’inscription pour les plus de 65 ans, est-elle du coût si utile ? Viennent-ils ?) mais six cireurs de comptoir pour les retours…
Sherlock doit se retourner dans sa tombe. Pas du tout élémentaire mon cher Watson !

C’est VRAIMENT avantageux ?

Pour te muscler les fesses gratuitement de manière aussi efficace qu’une séance de step en salle, OUI.

Dans Grande Ville, il y a quatre étages.
-1 : le secteur jeunesse, les auditoriums et expositions
0 : l’accueil et les expositions encore
1 : les sciences, les sciences humaines, l’histoire et la géographie, les arts, les CD et DVD, la grainothèque (en période de marée basse actuellement, ou alors des oiseaux ont réalisé un commando nocturne)
2 : les romans, les BD, les DVD à consulter sur place et les jeux vidéos à tester.
Le tout étant parsemé de tables pour travailler et de fauteuils pour se caler/roupiller comme un monsieur au 2ème.
Donc tu montes, tu descends, tu te fais le cuissot.

Pis quand tu repars, un TING! retentit juste à côté de toi. L’ascenseur !! Damned !
Mais ton appli « comptage de pas » indique que tu as perdu 16 calories (pour 17 €), ça compense les 16 gros mots de feignassitude ! (Ou pas…)
Tu ajoutes à ça le nombre de pas effectués par étage pour trouver le rayon qui correspond à ce que tu recherches et là… tu signes un certificat de décès pour ton appli.
Bon, là, clairement, je n’ai pas du tout kiffé le système de classement et catégorisation de Grande Ville. Petit comparatif pour que tout le monde s’y retrouve.

Dans Petit Village, les secteurs sont clairement identifiés :
– secteur enfant et ado (magazines, BD, romans, documentaires, contes, young adult… tout)
– secteur adulte : idem sans le young adult
– secteur média : CD, DVD, jeux
– Nouveautés en tête de gondole dans chaque secteur
Simplissime et d’une logique binaire.

Dans Grande Ville, c’est juste le bow’del pour les néophytes de la classification Dewey ceinture noire :

– les BD/magazines ados et adultes sont mélangés
– les classiques à lire (comprendre les incontournables pas forcément ennuyeux, comme Musso) sont tout mélangés dans le secteur BD / Comics / magazines / Jeux avec le secteur BD dans deux endroits différents sur le même niveau.
– les romans de voyage sont dans le secteur géographie
– le plus improbable, pourtant je le jure en levant mes 6 doigts de la main droite : une même série de BD (Les carnets de Cerise, pour ne pas les nommer) se trouve séparée sur deux étages. Le tome 3 est dans le secteur jeunesse au niveau -1 alors que le tome 1 est au niveau 2 dans le secteur ado/adultes. Après explication, quelqu’un a jugé que le tome 1 pouvait s’adresser à des personnes plus âgées… L’héroïne, une enfant, grandit au fil des tomes, pour information, et c’est le tome 3 qu’on retrouve dans le secteur enfants ? Euh ?

 

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Bref, j’ai autant compris le système de classement que la logique de ton pote bourré au détour d’un argumentaire à 6h du mat’ !
Et puis, contrairement à Petit Village, j’ai trouvé le fonds globalement pauvre en nouveauté (post 2001) alors que je m’attendais à l’inverse.
Comme il y a davantage de population dans Grande Ville, ça s’apparente à un premier mercredi de soldes pour la course à l’emprunt de nouveauté ?
Ils ne peuvent pas acheter en plusieurs exemplaires ? Parce que là je ne comprends pas…
Mention spéciale pour le fonds BD : vieilles, cornées, inconnues pour la plupart. Mais où sont les séries récentes et complètes ? (Thorgal et ses dérivés, Peter Pan et Décalogue, Le Chat, Les vieux fourneaux, les Blondes, The Walking Dead…) ? Pourquoi ne pas faire comme dans Petit Village et les faire emprunter par lot pour être sûr d’avoir une continuité dans la lecture ?

BILAN du rendez-vous en terre inconnue  ?

Je reviens avec cinq livres qui me faisaient du charme en étincelant du titre et de la couverture MAIS j’ai passé 2h là-bas. Je ne suis pas sure d’avoir la patience ni le temps de fouiner autant les prochaines fois.
Et il ne faut pas trop compter sur les ordinateurs de recherche qui datent de 1996 et mettent autant de temps à ouvrir une page web qu’à l’époque du modem wanadoo et qui t’indiquent une côte pour les romans alors que ces livres n’ont pas de côte en rayon !

Ton pote bourré et sa logique à lui travaillent à la médiathèque en fait… C’est ça ?? Bref, je vais retourner me faire des inhalations littéraires à Petit Village de temps en temps moi !!
Grande ville possède des codes d’accès qui ne m’ont pas été donnés à la naissance !

 

Illustration by David Small. (cover of The Library by Sarah Stewart):

2 réponses

  1. Article très sympa. Moi aussi, ma petite bibliothèque de quartier me manque, alors j'achète plus que je n'emprunte : j'ai trouvé parfois des librairies où les libraires méritent leur nom et ne sont pas que des vendeurs mais de vrais amoureux de la littérature. Bon, après, c'est sûr, le compte en banque en prend un coup !…

    1. Exactement pareil pour moi !
      J'ai tendance à préférer l'achat pour avoir un livre récent, en bon état. Mais le compte en banque et les rangements ne me disent pas merci !
      Pour l'instant, hors BD, documentaires et albums, j'ai trouvé la solution : je lis sur liseuse puis j'achète ce qui me plait vraiment et que je souhaite conserver. Pour le reste, j'emprunte d'abord quand je peux à la médiathèque. Quand je ne peux pas, ben je craque ! ^^

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